La Suisse a été l’un des premiers systèmes juridiques à reconnaître le potentiel de la technologie blockchain dans le domaine financier. C’est d’ailleurs l’Autorité de surveillance des marchés financiers (ci-après : la « FINMA ») qui a admis l’existence et les avantages offerts par les projets en lien avec ces nouvelles technologies en les soumettant à la réglementation en matière financière déjà existante applicable aux intermédiaires financiers traditionnels. Il n’existe en effet, à l’heure actuelle, pas de cadre juridique réglementant de manière spécifique les activités en lien avec les monnaies cryptographiques en Suisse.
La FINMA a jugé qu’il n’était pour l’heure pas possible de réserver un traitement unique et général aux projets financiers fonctionnant sur la base de la technologie blockchain, tant les caractéristiques de chaque projet sont diverses1. La FINMA analyse dès lors chaque projet et détermine au cas par cas, en se fondant sur la réglementation existante, si une autorisation est nécessaire pour le développement de l’activité en question.
Le 16 janvier 2018, la FINMA a notamment publié un Guide pratique destiné aux acteurs du marché, offrant des éléments de réponse quant au traitement réservé aux Initial Coin Offerings (levée de fonds en l’échange de jetons cryptographiques, ci-après : « ICO ») sous l’angle de la réglementation financière en vigueur. Bien que ce guide pratique n’ait pas force de loi, il constitue l’un des rares outils actuels permettant de qualifier juridiquement les monnaies cryptographiques et partant, de déterminer la réglementation applicables aux organisateurs de levées de fonds non traditionnelles.
Le Guide pratique publié par la FINMA a eu pour avantage non négligeable d’offrir une base de réflexion aux juristes suisses. Ainsi, les principes développés permettent aujourd’hui de déterminer quels acteurs du domaine de la blockchain sont soumis à la Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (ci-après : « LBA ») et doivent par conséquent être qualifiés d’intermédiaires financiers.
Par ailleurs il existe encore peu de doctrine – de surcroît uniforme – et aucune jurisprudence sur le sujet, raison pour laquelle il est pour l’avocat suisse, en l’état de la réglementation, indispensable de soumettre à l’étude de la FINMA chaque projet envisagé par des clients. La FINMA rendra alors un avis de droit sur la question.
Afin de mieux comprendre les implications des directives données par la FINMA et les effets de celles-ci sur la lutte contre le blanchiment d’argent en Suisse, il importera ci-après :
(1) d’expliquer dans les grandes lignes la technologie blockchain et son fonctionnement ;
(2) d’exposer brièvement les risques intrinsèquement liés à l’utilisation des monnaies cryptographiques ;
(3) de définir la réglementation applicable aux ICOs en Suisse ;
(4) de mettre en lumière les critères sur lesquels il convient de se fonder pour déterminer si les plateformes d’échange de monnaies cryptographiques doivent être soumises à la LBA ; et enfin
(5) d’évoquer les potentiels bénéfices de la technologie blockchain dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent