Le barreau de Paris, la Fédération des Barreaux d’Europe (ci-après FBE) et l’UIA-IROL (Institut pour l’État de droit de l’Union Internationale des Avocats) ont appris avec stupéfaction que suite à la publication de communiqués du dimanche 26 avril, dénonçant les propos stigmatisant du directeur turc des affaires religieuses (Diyanet) envers les personnes LGBT, le barreau d’Ankara et de Diyarbakir sont visés par une information judiciaire pour des faits qualifiés de « dénigrement des valeurs religieuses ».
Le barreau de Paris, la FBE et l’UIA-IROL, extrêmement préoccupés par ces poursuites pénales, appellent les autorités turques à cesser toute criminalisation des barreaux, Institutions représentatives de la profession d’avocats, qui ont également une mission d'intérêt général et concourent à garantir le plein respect des droits humains et des libertés fondamentales, en luttant notamment contre toute forme de discrimination pour assurer l’égalité concrète des droits.
Le barreau de Paris, la FBE et l’UIA-IROL ont bien noté que le barreau d’Ankara réagissait aux propos d’Ali Erbas, directeur des affaires religieuses (Diyanet), qui, lors de son allocution prononcée à l’occasion du début du mois sacré de jeûne du ramadan, avait déclaré que « l’islam considère la fornication comme l’un des plus grands péchés et condamne l’homosexualité », car « elles apportent avec elles les maladies ».
Par suite, le barreau d’Ankara qui représente 21 000 avocats du pays, avait fait part dans un communiqué de sa « sidération » et dénoncé les « déclarations d’un autre âge » de M. Erbas. Ces déclarations intervenant dans un pays, qui en son article 2 de la Constitution, indique que « la Turquie est un État de droit démocratique, laïc et social », et précise en son article 10 que « tous les individus sont égaux devant la loi sans distinction de langue, de race, de couleur, de sexe, d'opinion politique, de croyance philosophique, de religion ou de confession, ou distinction fondée sur des considérations similaires ».
Le barreau de Paris, la FBE et l’UIA-IROL indiquent qu’il est urgent de mettre fin à toutes les entraves aux missions des avocats et de leurs institutions représentatives et d’œuvrer pour que cesse toute discrimination notamment motivée par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, non protégées expressément par le droit national.
La Turquie, État-partie à la Convention européenne des droits de l’Homme, doit veiller à ce que ses représentants se gardent de toute déclaration susceptible d’accentuer les discriminations et de ne faire preuve d’aucune tolérance à l’égard des propos discriminatoires formulés par les agents et les fonctionnaires de l’État.
Par ailleurs, nous tenons à exprimer notre vive préoccupation quant aux récentes déclarations du président turc (5 mai 2020) portant sur sa volonté de réformer les modalités d’élections au sein des Barreaux turcs. Les institutions représentatives de la profession des avocats contribuent activement à l'élaboration des textes susceptibles d'intéresser la profession, mais réagissent également avec compétence sur toutes les questions relatives à l'institution judiciaire et au domaine juridique notamment le respect des droits de l’homme.
Il ne peut y avoir de défense libre sans barreaux indépendants et avocats libres.
L’enjeu de cette réforme d’ordre politique risque de porter une atteinte manifeste à l’indépendance d’une profession qui est un contre-pouvoir institutionnel nécessaire dans une démocratie.
Nous exhortons le gouvernement turc à respecter l’expression pacifique des barreaux, Institutions représentatives des avocats et reconnaître leur rôle de défenseurs des Droits et Libertés.