L'évolution du cadre juridique autour de l'autorité parentale reflète une transformation profonde dans la manière dont les droits et le bien-être des enfants mineurs sont perçus et protégés. Autrefois considérés comme des sujets passifs dans les décisions les concernant, les enfants mineurs sont désormais reconnus comme des titulaires de droits fondamentaux, avec une participation progressive à la prise de décisions les touchant. Cette évolution se manifeste à travers les pratiques judiciaires et les réformes législatives dans différents pays, comme le montrent les récents développements en en Europe et même au Japon.
La quête de la protection de l'intérêt de l'enfant mineur
Les professionnels du droit familial, notamment les juges, avocats, et chercheurs, s'engagent à protéger l'intérêt de l'enfant mineur dans toutes les décisions et mesures prises à son égard. Cette approche considère l'enfant non pas comme une entité juridique abstraite, mais comme un individu avec des droits propres. Le régime de l'incapacité d'exercice de l'enfant mineur vise à le protéger des dangers de la vie adulte et des conflits judiciaires entre ses parents. Cependant, malgré cette protection, l'enfant reste souvent exclu des processus décisionnels le concernant.
Bien que certains droits et capacités soient reconnus aux mineurs à divers âges, comme le droit d'être entendu ou d'exercer certains actes juridiques, ces droits restent fragmentaires et limités. Par exemple, un enfant peut se voir imposer une religion ou un type de scolarité sans son consentement, et des décisions majeures concernant sa filiation ou son nom peuvent être prises sans qu'il en soit informé. Cette situation illustre la tension entre la protection de l'enfant et la reconnaissance de son autonomie croissante.
Le Japon, pays aux pratiques traditionnelles en matière d'autorité parentale, a décidé d’introduire l'autorité parentale conjointe après le divorce. Le 17 mai 2024, la Diète japonaise (le Parlement) a adopté les amendements au Code civil japonais et d’autres textes liés, introduisant ainsi le système de l’autorité parentale conjointe sur un enfant suite au divorce des parents. Les amendements entreront en vigueur environ 2 ans après son adoption, la date la plus probable étant le 1er avril 2026. Cela semble être un changement drastique du système traditionnel japonais de l’autorité parentale exclusive sur l’enfant détenue par un seul parent après le divorce. Cependant, lorsque les amendements sont analysés en détail, il devient clair qu’ils sont des étapes positives pour certains parents mais ne sont pas autant drastiques que d’autres parents les souhaiteront. Cette partie explorera le contenu des amendements et discutera de ce qu’il implique.
> Arrière-plan de la réforme
Depuis la promulgation du Code Civil japonais à la fin du 19e siècle, un enfant appartenait au “Ie” (foyer en français), où la femme était subordonnée à son mari. En principe, le père du foyer détenait par conséquent l’autorité parentale exclusive et la garde de l’enfant suite au divorce (1). Après la Seconde Guerre Mondiale, le Japon abolit ce système du Ie et introduisit un système par lequel soit la mère soit le père détiendrait l’autorité parentale exclusive sur l’enfant(2). Ainsi, au Japon, au sein d’un ménage typique se trouvaient un père travaillant à temps plein et gagnait un revenu pour la famille entière, et une mère qui s’occupait des enfants à la maison. Une telle division des rôles au sein de la famille mena à l’idée comme quoi il serait de l’intérêt supérieur de l’enfant que la mère détienne l’autorité parentale exclusive (et donc la garde) sur l’enfant après le divorce. Dès lors, dans plus de 80% des cas de divorce (et plus de 90% des cas où les parents se sont disputés sur qui devait détenir l’autorité parentale), la mère obtient l’autorité parentale exclusive. Dans de telles circonstances, la séparation à l’initiative de la mère qui emmène ses enfants sans le consentement du père, ainsi que l’accès limité pour celui-ci à ses enfants après la séparation et le divorce était plus ou moins socialement accepté.
Cependant, et en particulier depuis les années 1980, la division traditionnelle des rôles a été perçue comme une inégalité entre hommes et femmes. Davantage de femmes commençaient à travailler à temps plein et davantage d’hommes commençaient à prendre un rôle plus actif dans l’élevage des enfants. Cela mena à un nombre croissant de réclamations de pères séparés de leurs enfants en raison de l’accès, limité s’il y en eût, à leurs enfants après la séparation du couple.
De plus, le nombre de mariages internationaux a augmenté, et le style japonais de séparation (ramener les enfants au Japon unilatéralement), pratiqué principalement par des mères japonaises, est devenu une affaire diplomatique internationale au 21e siècle. Les parents abandonnés, surtout des pères non-japonais, se sont plaints d’avoir perdu accès à leurs enfants après leur séparation avec ceux-ci : une fois qu’un conjoint a unilatéralement emmené ses enfants de l’étranger au Japon, l’autre conjoint n’a aucune façon de les faire revenir dans le pays de leur résidence habituelle. De plus, les parents abandonnés non-japonais résidant au Japon ont le même problème que les parents abandonnés (des hommes pour la plupart) japonais.
Ces phénomènes ont mené à l’amendement de l’Article 766 du Code civil japonais en 2011, entré en vigueur au 1er avril 2012. L’amendement inclut la visite de l’enfant à une liste de sujets à déterminer par consultation mutuelle des deux parents au moment du divorce et encourage le parent avec l’autorité parentale exclusive à permettre la visite de l’enfant par l’autre parent(3). De plus, le conflit diplomatique aura conduit à la ratification par le Japon de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (Convention de la Haye) en janvier 2014(4). Néanmoins, puisque la mise en œuvre du droit de visite et de la décision sur la Convention de la Haye ordonnant le retour de l’enfant du Japon aura été modique (5), beaucoup de parents abandonnés continuent d’avoir des difficultés à obtenir l’accès à leurs enfants. Par conséquent, des groupes militant pour les intérêts des parents abandonnés ainsi que la communauté internationale, en particulier les pays européens (6), ont vivement plaidé en faveur de l’adoption par le Japon de l’autorité parentale conjointe après le divorce, afin que les deux parents maintiennent un accès suffisant à leurs enfants. Réagissant à ces voix, le Sous-Comité du droit de la famille du Conseil législatif du Ministère de la Justice du Japon a commencé à concevoir l’introduction de l’autorité parentale conjointe après le divorce en 2021, et a recommandé son introduction le 30 janvier 2024(7). La Diète japonaise a reçu le projet d’amendement du Code civil japonais en accord avec la recommandation le 8 mars 2024 et a adopté l’introduction de l’autorité parentale conjointe après le divorce le 17 mai 2024.
> Contenu des amendements
Le Code civil japonais amendé rend clair le fait que les deux parents doivent mutuellement respecter la personnalité de l’autre parent et coopérer avec celui-ci, dans l’intérêt de l’enfant, lors de l’exercice des droits ou de la réalisation des obligations sur l’enfant(8). Au moment du divorce, les parents pourront choisir entre l’exercice conjoint ou exclusif de l’autorité parentale(9). Lorsque les parents ne peuvent pas se mettre d’accord sur l’exercice conjoint et/ou sur qui détiendrait l’exercice exclusif, la Cour se prononcera sur qui obtiendra l’autorité parentale sur les enfants. La Cour peut décider que l’exercice de l’autorité parentale sera conjoint(10). Lorsqu’il doit se prononcer sur l’exercice de l’autorité conjointe ou de l’autorité exclusive, dans le meilleur intérêt de l’enfant, la Cour devra tenir compte de la relation entre l’enfant et ses parents, de la relation entre les parents, ainsi que toutes autres circonstances(11). Cependant, la Cour devra accorder l’autorité parentale exclusive à l’un des parents si l’intérêt supérieur de l’enfant serait lésé sous l’autorité conjointe, s’il y a un risque que l’un des parents blesse physiquement ou mentalement l’enfant, ou s’il est difficile d’exercer conjointement l'autorité parentale en raison d’un risque de violence physique ou de harcèlement moral, d’autres raisons de désaccord entre les parents sur l’autorité parentale, ou tout autre motif(12).
L’amendement précise qu’une mairie acceptera la déclaration de divorce des époux seulement lorsqu’ils auront décidé qui exercera l’autorité parentale sur leurs enfants ou lorsque la demande de la médiation ou de jugement pour la désignation de l’autorité parentale aura été déposée à la Cour des affaires familiales(13).
Là où les deux parents possèdent l’autorité conjointe sur leurs enfants, l’exercice se fait en commun, en prenant des décisions sur leurs enfants par consultation mutuelle(14). Cependant, lorsque l’un des parents n’est pas en mesure d’exercer l’autorité parentale ou lorsqu’il y a des circonstances urgentes d’intérêt pour l’enfant, un exercice unilatéral par l’un d’entre eux est permis(15). De plus, même sous l’autorité conjointe, l’un des parents peut exercer unilatéralement son autorité parentale sur des situations du quotidien concernant le soin et l’éducation de l’enfant(16). Si les parents ne peuvent pas décider par consultation mutuelle sur des points ne tombant pas sous les coups des exceptions, le JAF pourra déterminer quel parent exercera l’autorité parentale unilatérale(17).
Les affaires du quotidien pouvant être décidés unilatéralement comprennent notamment le choix d’une cram school, les repas, une vaccination, ou une autorisation à travailler à temps partiel(18). Des circonstances d'urgence incluent les interventions médicales urgentes, des procédures d’admission à l’école, ou l’évacuation d’une situation de violence(19). Cependant, les définitions des affaires du quotidien et des circonstances d’urgence demeurent imprécises. Ainsi, la Diète japonaise a adopté une résolution auxiliaire exigeant des lignes directrices qui clarifieraient le sens de ces deux notions(20).
Les parents ayant déjà été déchus de leur autorité parentale sur leurs enfants à cause du divorce au moment de l’entrée en vigueur de l’amendement pourront demander l’autorité parentale conjointe à la Cour si l’intérêt de l’enfant le commande. Pour donner droit ou non à cette demande, le juge prendra en considération le fil des consultations lors du divorce (notamment l’existence de violences exercées par l’un des parents envers l’autre, s’ils sont passés par la médiation ou un mode de règlement du différend alternatif, s’il y a un document notarié ayant enregistré le résultat de la consultation.), tout changement ultérieur de situation et toutes autres circonstances(21).
Le Code civil japonais dispose que les parents devront déterminer au moment du divorce par consultation mutuelle qui devra détenir la garde parentale ou comment ils la partageront, ainsi que les modalités d’exercice du droit de visite(22). En cas d’échec, la Cour déterminera ces termes, en tenant compte de l’intérêt de l’enfant(23).
Lorsque l’un des parents est désigné comme gardien, ce parent a le droit de décider des faits relatifs au soin de l’enfant, y compris la résidence de celui-ci et l’autorisation de travailler(24). Le parent sans droit de garde est interdit d’entraver une telle décision du parent gardien(25).
En ce qui concerne le droit de visite, l’amendement a ajouté la disposition selon laquelle d’autres membres de la famille de l’enfant tels que les grands-parents ou les frères et sœurs, pourront demander au juge le droit de visiter l’enfant si cela est particulièrement nécessaire pour l’enfant(26).
> Retombées des amendements
Il y a de nombreux parents au Japon qui ont pratiqué une autorité parentale conjointe de facto malgré leur divorce et le système d'exclusivité. Dans de tels cas, un parent avec l’autorité parentale exclusive prend en considération le point de vue et l’opinion de l’autre parent lorsqu’il prend des décisions concernant leurs enfants. Les amendements apportent un fondement légal pour la co-parentalité de tels parents capables de coopérer l’un avec l’autre en dépit du divorce. Le parent ayant été déchu de son autorité parentale sur ses enfants pourra la regagner si les deux parents sont aptes à poursuivre une telle coopération.
De l’autre côté, l’autorité parentale conjointe n’est pas susceptible d’être attribuée par la Cour si l’un des parents s’oppose à l’autorité conjointe et si les parents ne sont pas coopératifs entre eux. La Cour tiendra compte non seulement de la relation entre l’enfant et le parent, mais également de la relation entre les parents ainsi que toutes autres circonstances lorsqu’il devra déterminer si l’exercice conjoint de l’autorité parentale est adéquat. S’il apparaît difficile d’exercer conjointement l’autorité parentale à raison d’un risque que l’un des parents soit susceptible d’être physiquement violent ou moralement harcelant, à raison de désaccords entre les parents sur l’autorité parentale, ou en conséquence de toutes autres circonstances, la Cour doit attribuer l’autorité exclusive. Dans de nombreux cas de divorce où l’autorité parentale pose problème, l’un des parents récupère unilatéralement l’enfant et commence une séparation, revendiquant l’exercice exclusif de l’autorité parentale en faveur du parent ravisseur, en évoquant une violence conjugale ou des abus de la part de l’autre parent. Le parent abandonné va nier de telles accusations et demander l’autorité conjointe. Si le parent ravisseur peut prouver l’existence de violences conjugales ou d’abus, il obtiendra l’autorité parentale exclusive au motif de l’existence de violences physiques ou de harcèlement moral. Même en l’absence de preuves, la Cour va tout de même attribuer l’autorité parentale au parent ravisseur, car les deux parents se trouvent alors en désaccord sur l’existence de violence ou d’abus conjugal, et auront du mal à discuter calmement entre eux sur comment l’enfant devra être élevé, et donc peineront à assurer l’exercice conjoint de l’autorité parentale(27). Même si un seul des parents revendique la violence ou l’abus conjugal, le juge attribuera tout de même l’autorité parentale exclusive sur l’enfant s’il estime que les parents auront des difficultés à exercer conjointement l’autorité parentale à raison de leur manque d’attitude coopérative(28).
Jusque-là, pour déterminer quel parent devrait avoir l’exclusivité parentale, la Cour tenait compte de qui a principalement pris soin de l’enfant avant et après la séparation. La Cour a respecté le statu quo de la garde de l’enfant créé par la séparation, y compris une séparation unilatérale, sur le fondement du principe de la continuité. Il n’y a pas d’évidence qui démontrerait que les amendements abolissent ou modifient le principe de continuité. Le Ministère de la Justice a même déclaré que la séparation unilatérale de l’enfant par l’un des parents sans le consentement de l’autre parent, qui n’est pas illégale sous la loi actuelle et la jurisprudence, ne sera pas rendue illégale par les amendements(19). Ainsi, la Cour est susceptible de maintenir l’actuelle jurisprudence adoptant le principe de continuité, et le parent qui aura principalement pris soin de l’enfant jusqu’au divorce, même en tant que parent ravisseur, est susceptible d’obtenir la garde et l’autorité parentale exclusive.
Même lorsque les deux parents se mettent d’accord sur l’autorité parentale conjointe, si l’un des parents demande la désignation du parent gardien suite au divorce, le juge est susceptible d’adopter le principe de continuité lorsqu’il attribue la garde de l’enfant. Ainsi, le parent qui s’est principalement occupé de l’enfant jusqu’au divorce, y compris un parent ravisseur, sera susceptible d’être désigné comme parent gardien avec le droit de décision sur les soins de l’enfant, sa résidence et l’autorisation de travailler.
Le parent ayant perdu l’autorité parentale sur les enfants est insusceptible de la retrouver si les deux parents ont du mal à coopérer à raison d’un passé de violences conjugales ou de harcèlement moral, de l’existence d’un conflit ou d’un risque de conflit entre les parents(30).
En ce qui concerne le droit de visite, le ministère de la Justice a déclaré que le problème de la visite est distinct du problème de l’autorité parentale(31). Ainsi, tandis que des proches tels que les grands-parents et les frères et sœurs ont désormais une base légale pour demander le droit de visite de l’enfant et leur position est renforcée, les amendements sont insusceptibles de changer la pratique actuelle sur le droit de visite du parent séparé de l’enfant.
Globalement, tandis que les amendements facilitent la coparentalité pour les parents capables de coopérer l’un avec l’autre au sujet de leur enfant malgré leur divorce, les amendements sont insusceptibles de changer la situation actuelle de parents en divorce ou déjà divorcés qui ne sont pas aptes à coopérer entre eux pour leur enfant, en particulier ceux qui se trouvent dans un conflit intensif.
La réforme du droit de la famille au Japon est une avancée importante que les pays d’Europe ont également connue dans les précédentes décennies.
> L’autorité parentale dans les pays européens : des concepts proches et qui tendent vers un même objectif
Lorsque l’on observe le rôle dévolu au père et à la mère dans les États membres de l’Union européenne, on remarque que le législateur de ces différents pays tient nécessairement compte de l’évolution des mœurs, des particularismes de société, mais que toutes les législations tendent vers un même but : parvenir à une plus grande égalité des droits des parents.
En France, c’est en 1970 que la notion d’autorité parentale a remplacé celle de « puissance paternelle » qui assurait l'exclusivité de l'autorité du père sur les enfants. D'une part, l’article 371-1 dispose que l’autorité parentale appartient au père et à la mère et vise à protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. D'autre part, l'article 373-2 énonce que la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale.
Dans la majorité des pays d’Europe, tant au niveau législatif qu’au niveau de la jurisprudence, se retrouve un commun objectif de parvenir à une égalité entre la mère et le père. L’accord entre les parents y est encouragé et favorisé par la mise en place, notamment, de médiations.
Il ressort donc de ces différentes législations nationales qu’il existe au niveau européen un mouvement significatif et très positif sur la voie d’une coparentalité de plus en plus affirmée. Cette évolution est d’autant plus décisive en considération de l’intérêt de l’enfant qu’on ne saurait dénier à l’un des parents des droits et des devoirs que l’on reconnaît à l’autre.
En Allemagne, l’autorité parentale est exercée en commun au sein des couples mariés, et l’on peut observer que la langue allemande retient une expression très proche du vocable français pour décrire cette notion. Antérieurement à la loi du 18 juillet 1979, codifiée dans le code civil allemand, l’autorité parentale était exclusivement dévolue au parent à qui était attribuée la garde de l’enfant.
La loi de 1979 a également distingué l’Allemagne des autres pays d’Europe en instaurant la possibilité d’une attribution conjointe de l’autorité parentale dans le cas d’enfants nés hors mariage, là où seule la mère était dépositaire de cette autorité préalablement à la réforme.
Si cette dernière constitue donc une avancée non négligeable, elle ne prévoit toutefois que deux cas dans lesquels le père non marié peut exercer conjointement l’autorité parentale : Lorsqu’un accord global est trouvé avec la mère et qu’une déclaration en ce sens est enregistrée. En cas de mariage des parents, que le droit allemand assimile alors à un « repentir », ils peuvent alors exercer en commun l’autorité parentale.
La législation danoise présente une particularité. Pendant le mariage, l’autorité parentale est très classiquement exercée conjointement par les deux parents. En cas de divorce ou de séparation, il leur est loisible de passer un accord en vue de poursuivre cet exercice commun de l’autorité parentale, qui doit être enregistré par une autorité administrative locale. Ce n’est donc pas une juridiction qui est compétente, et il suffit d’enregistrer un accord sous seing privé.
S’agissant des enfants nés hors mariage, la législation prévoit expressément que l’autorité parentale est exercée par la seule mère, sauf accord contraire des parents. Aucune dérogation n’est possible.
En Belgique et aux Pays-Bas, le législateur ne distingue pas selon que les couples sont mariés ou non : dans les deux cas, l’autorité parentale est exercée conjointement, et cet état de fait survit à l’éventuelle séparation.
L’Espagne et l’Italie fonctionnent à peu près sur le même modèle : l’autorité parentale conjointe est attribuée de plein droit par la loi non seulement aux couples mariés, mais aussi aux concubins dont le couple est entériné par une simple cohabitation.
En Grèce au cours du mariage, les parents sont tenus d’apporter à l’enfant l’attention et les soins qui ressortissent aux devoirs habituels des parents. En droit grec, on ne parle pas d’« autorité parentale », mais de « soins parentaux ». En cas de divorce, d’interruption prolongée de la vie commune ou d’annulation du mariage, le tribunal peut accorder conjointement l’exercice des soins parentaux aux deux époux, à la condition qu’ils en conviennent dans un accord fixant la résidence habituelle du mineur. Le père qui reconnaît l’enfant né hors mariage acquiert ipso facto les droits et les devoirs découlant des soins parentaux, mais ne peut les exercer que si la mère a elle-même cessé de le faire. Il s’agit donc d’une reconnaissance virtuelle pour le père, qui est subordonnée à la renonciation par la mère au droit qui lui est par principe reconnu.
On comprend bien dès lors que la notion d’autorité parentale conjointe, pendant la vie commune des parents et après la séparation a deux objectifs: l’intérêt supérieur de l’enfant d’avoir accès à ses deux parents et l’égalité des droits parentaux.
> Conséquences sur le plan international
Cette règle juridique a des incidences sur le plan international et notamment sur l’application de la convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les enlèvements internationaux d’enfants.
La Convention de La Haye du 25 octobre 1980 repose sur l’intérêt de l’enfant, défini dans le préambule comme la nécessité de : « Protéger l’enfant contre les effets nuisibles d’un déplacement ou d’un non-retour illicites et d’établir des procédures en vue de garantir le retour de l’enfant dans l’Etat de sa résidence habituelle ».
Madame le Professeur Pèrez-Vera rappelle dans son rapport introductif que : « La recommandation 874 (1979) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dont le premier principe dit que les enfants ne doivent plus être considérés comme la propriété de leurs parents mais être reconnus comme des individus avec leurs droits et leurs besoins propres »(32).
La convention instaure une collaboration entre les pays signataires afin d‘obtenir, dans les meilleurs délais, le retour dans leur pays d’origine des enfants que l’un des parents a déplacés dans un autre pays signataire, ou que l’un des parents retient indûment dans le pays dit de « refuge ». La décision de retour n’est en aucun cas une décision AU FOND sur la résidence habituelle des enfants OU sur l’attribution de l’autorité parentale. Il appartient en effet à l’une ou l’autre des parties de saisir le Juge du pays de résidence habituelle des enfants d’une demande en ce sens s’il le souhaite.
L’article 3 a) de la Convention de La Haye, dispose que le droit de « garde » doit être entendu au sens de la loi applicable dans l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant. Or, la notion de « garde » découle de la loi applicable et des droits des parents y compris lorsqu’aucune décision ne fixe la résidence de l’enfant.
> Le contentieux franco-allemand des années 1990/2000
La France a connu un contentieux important avec l’Allemagne et les médias se sont emparés de cette question de manière très virulente. Le 16 juillet 1998, le journal français Le Monde titrait « Les rapts d'enfants au sein de couples franco-allemands restent sans solution ». Le Journal Libération titrait à son tour le 2 décembre 2018 : « L'Allemagne, ce pays où l'enlèvement international d'enfant est légal ».(34)
Le Parlement européen a dans une résolution 2018/2856(RSP) du 29 novembre 2018, a rappelé à l’Allemagne la nécessité de respecter le droit international et a souligné « l’importance d’une coopération étroite et d’une communication efficace entre les différentes autorités nationales et locales intervenant dans les procédures de garde d’enfants, des services sociaux aux autorités juridictionnelles et centrales. » (35)
Il a fallu plusieurs années avant que les juridictions françaises et allemandes se fassent mutuellement confiance et appliquent les règles du droit international et les conventions internationales sans préjuger du droit national de chacun.
La Cour suprême américaine a rappelé en 2009 « l'importance de la neutralité judiciaire, soulignant que les juges devaient s'efforcer de ne pas suivre la tendance commune à préférer leur propre société et culture. » (36)
L'évolution de l'autorité parentale sous le prisme de l'enfant mineur montre une tendance vers une reconnaissance accrue des droits et de l'autonomie des enfants. Les réformes législatives et les décisions judiciaires récentes, tant en Europe qu'au Japon, reflètent cette progression. Les défis restent nombreux, notamment en ce qui concerne l'équilibre entre protection et autonomie, mais les avancées actuelles posent les bases d'un cadre plus juste et respectueux des droits des enfants dans les décisions les concernant.
C’est bien là tout l’enjeu de la réforme au Japon, qui a signé et ratifié la Convention de la Haye en 2014 et on ne peut que soutenir cette démarche dans l’intérêt supérieur des enfants d’avoir accès à leurs deux parents, mais aussi à leurs deux familles et leurs deux cultures.
La Cour européenne des droits de l’Homme vient confirmer à nouveau ce principe : les conventions internationales relatives aux droits des enfants doivent s’appliquer dans une confiance mutuelle et chaque Etat signataire doit agir de manière positive pour le respect de ses engagements internationaux.
L'affaire Verhoeven c. France, jugée par la Cour européenne des droits de l'homme, met en lumière les défis de l'application de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. Dans cette affaire, les juridictions françaises ont ordonné le retour d'un enfant au Japon, malgré les allégations de la mère concernant des risques de violence et de rupture des liens familiaux (37).
La Cour a conclu qu'il n'y avait pas eu violation du droit au respect de la vie familiale, car les décisions des tribunaux français étaient motivées et visaient l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette décision souligne l'importance de procédures équitables et de la prise en compte de tous les aspects du bien-être de l'enfant dans les affaires d'enlèvement international.
La confiance mutuelle doit permettre la libre circulation des enfants.
Comme l’écrivait très justement Khalil GIBRAN « Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même, Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. ».
Par Hansu YALAZ,
Avocat Associé Chauveau Mulon et Associés,
Membre de l’Union Internationale des Avocats
Membre de l’Institut du Droit de la Famille et du Patrimoine
Expert en Droit International Privé auprès de Womenforwomen
Formée au droit collaboratif et à l’arbitrage
Paris
Par Yohei SUDA,
Avocat au Barreau de Tokyo
Membre de l’Union Internationale des Avocats
Tokyo, Japon
Par Vinciane GILLET,
Avocat – GILLET-LEX
Directrice adjointe de la communication à l’Union internationale des Avocats
Spécialiste agréée en droit international privé et en droit de la famille - Formée en droit collaboratif
Présidente de la Commission de droit international privé du Barreau de Bruxelles
Expert « Quality » pour Avocats.be auprès du CCBE
Membre de la commission « Equality » de la FBE
Fondatrice de l’Incubateur européen du Barreau de Bruxelles
Ancien membre du conseil de l’Ordre français du Barreau de Bruxelles
Bruxelles