Commissions | 27.09.2023

Le Club des Juristes, think-tank français, présente un rapport clé sur le devoir de vigilance européen

Le Club des Juristes, un think-tank juridique français, a publié le 11 juillet 2023 un rapport d'une grande importance intitulé "Devoir de vigilance, quelles perspectives européennes ?".

Ce rapport est une contribution significative au débat en cours sur la directive européenne relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, communément désignée sous le nom de "Corporate Sustainability Due Diligence Directive" (CSDDD).
La rédaction de ce rapport repose sur les travaux d'une commission dirigée par Monsieur Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre de la France et ancien Président de l'association. La commission a été dirigée par le Professeur Antoine Gaudemet, professeur agrégé à l'Université Paris-Panthéon-Assas, en tant que Rapporteur, et Anne Stevignon, Docteur en droit et avocate, en tant que Secrétaire générale. Elle a également compté parmi ses membres des personnalités issues de divers horizons, y compris des représentants d'institutions, des avocats, des entreprises, des syndicats et des organisations non gouvernementales. Maître Emmanuel Daoud, avocat associé au sein du cabinet Vigo et président de la commission Business & Human Rights de l’UIA a ainsi eu l’honneur d’y participer en tant que membre du think-tank.

Identification simplifiée du champ d’application de la directive

Le rapport du Club des Juristes sur le devoir de vigilance européen présente un ensemble de 25 recommandations essentielles pour façonner une directive robuste. A ce titre, il est recommandé d'évaluer la pertinence des seuils d'application de la directive après une période initiale pour garantir leur alignement sur les objectifs. De plus, la commission préconise la publication d'une annexe détaillée pour identifier les secteurs considérés "à risques", avec une mention explicite du secteur de la construction. En ce qui concerne les services financiers, il est recommandé d'éviter de laisser aux États membres la décision d'appliquer ou non la directive, sauf à restreindre la définition de la chaîne de "valeur" ou "d'activités". Une approche consolidée des seuils de salariés et de chiffre d'affaires est préconisée pour l'identification des entreprises visées.

Approche fondée sur les risques et alignement avec les standards internationaux

Le rapport suggère de préciser que les entreprises doivent élaborer une cartographie des risques, incluant les incidences négatives sur les droits de l'homme et l'environnement, en fonction de leur gravité et probabilité. Une approche fondée sur les risques est encouragée, avec une distinction similaire à celle du Principe Directeur n° 19 des Nations unies entre "causer", "contribuer" ou "être lié" à une incidence négative sur les droits de l'homme ou l'environnement. Pour clarifier le recensement des incidences négatives, il est recommandé d'adopter des lignes directrices du réseau d'autorités nationales, en collaboration avec l'OCDE et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme.
Il est également suggéré de spécifier que l'insertion de clauses contractuelles et la réalisation d'audits ne sont que des outils parmi d'autres mis en place dans le cadre d’une due diligence. Les sanctions devraient être graduées, avec la rupture des relations contractuelles comme option en dernier recours, en prenant en compte les conséquences potentielles sur les personnes. Il est conseillé de préciser si les entreprises peuvent proposer un mécanisme mixte pour recueillir à la fois des plaintes et des signalements, avec une protection contre les mesures de rétorsion envers les personnes externes à l'entreprise.
Un consensus majoritaire s’est formé pour recommander d’intégrer les risques climatiques dans le champ du devoir de vigilance ou à défaut, de mieux préciser le contenu de la stratégie climatique et réintroduire l’éventualité d’un contrôle par l’autorité nationale de supervision. Toutefois, certains membres de la commission considèrent que la problématique du changement climatique doit faire l’objet d’un traitement différencié et qu’il convient d’aligner la définition du plan de transition entre la directive « CSRD » du 14 décembre 2022 et la directive « CSDD » afin de permettre un recours aux standards qui seront élaborés par l’EFRAG en cohérence avec les standards internationaux.

Un rôle renforcé pour les autorités nationales chargées du contrôle des mesures

Une coordination efficace des différentes autorités nationales chargées du contrôle de la vigilance est recommandée. La réparation du préjudice écologique doit être possible pour les États membres qui en tiennent compte, et l'obtention de garanties contractuelles n'exonère pas l'entreprise donneuse d'ordre de sa responsabilité civile en cas de défaillance du sous-traitant.
Enfin, les dispositions relatives aux obligations des administrateurs prévues dans la proposition de la Commission doivent être maintenues et clarifiées, tout en évitant la notion de "devoir de sollicitude". À défaut, les États membres devraient imposer aux administrateurs une obligation de tenir compte des conséquences de leurs décisions sur la durabilité et de superviser et mettre en œuvre une stratégie de vigilance.
En définitive, le rapport du Club des Juristes constitue une contribution significative à la discussion en cours sur le devoir de vigilance des entreprises au sein de l’Union européenne. Ces recommandations visent à renforcer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, à garantir la protection des droits humains et de l'environnement, et à promouvoir des pratiques commerciales responsables et durables. Le Club des Juristes espère ainsi contribuer à la transformation nécessaire des pratiques des entreprises pour un impact positif sur la société et la planète.

Par Emmanuel Daoud
Cabinet Vigo
Paris, France

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